Une autre comptabilité agricole
pour préserver le capital naturel et le capital humain
Avec Yulia Altukhova-Nys
Maîtresse de conférences en Sciences de Gestion, Université de Reims Champagne-Ardenne
Séance du 2 novembre 2021
Lors de la séance de MARS du 15 septembre 2021, Bertrand Valiorgue a posé les bases de l’agriculture régénératrice. Il a montré que sa mise en œuvre nécessite de nouveaux outils, parmi lesquels une nouvelle comptabilité. Dans sa séance du 2 novembre 2021, MARS a poursuivi une exploration des voies à suivre concrètement pour transformer l’agriculture.
La comptabilité actuelle a pour seul socle la mesure de la performance économique et financière des entreprises. Appliquée à l’entreprise agricole, elle ne peut évaluer sa capacité à préserver et valoriser le capital naturel et le capital humain. Une nouvelle comptabilité devrait permettre la mesure des efforts pour protéger ces capitaux et ouvrir la voie à de nouveaux financements récompensant les pratiques vertueuses.
Yulia Altukhova-Nys, maîtresse de conférences en sciences de gestion à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, est une spécialiste de la prise en compte de la durabilité dans la comptabilité. Dans ses recherches, elle s’est interrogée sur la possibilité de mettre en œuvre les principes de la « durabilité forte » en agriculture grâce à l’outil comptable, donc à l’échelle microéconomique de l’entreprise, et sur l’existence de tels outils.
Le cœur de la séance était la présentation et la discussion du modèle CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology, ou anciennement Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l’Environnement), résultat d’un historique de travaux sur la comptabilité environnementale.
Quelques repères importants
La présentation d’introduction à la séance, préparée par Yulia Altukhova-Nys, peut être téléchargée. Cliquer pour télécharger la présentation.
L’agriculture liée à la nature
L’agriculture est étroitement liée au milieu naturel. Elle l’impacte jusqu’à le transformer, mais, à l’inverse, l’évolution du milieu naturel a des effets sur l’agriculture, ses systèmes, ses résultats. Ainsi du changement climatique. Si l’agriculture est génératrice de gaz à effet de serre, le réchauffement a un effet sur les rendements en fonction du régime climatique.
Penser les solutions et les mettre en œuvre
Au-delà de l’identification des problèmes et de solutions (avec leurs intérêts et limites), il importe de mettre en œuvre les solutions et d’y pousser, à l’échelle de l’exploitation, avec des outils de gestion qui poussent aux pratiques vertueuses, ou à une échelle collective par des politiques incitatives. Cette séance sur les comptabilités socio-environnementales vient à la suite de l’intervention de Bertrand Valiorgue sur « l’Agriculture Régénératrice » (15 septembre 2021) qui a plaidé, entre autre, pour des changements de pratiques en comptabilité.
Pour une durabilité forte et des efforts monétarisés
La comptabilité CARE, promue par Jacques Richard et avec lequel Yulia Altukhova-Nys a travaillé, prend le parti de la durabilité forte. Cette conception de la durabilité repose sur l’existence de seuils critiques pour les ressources naturelles renouvelables et la nécessité d’arrêter d’exploiter les ressources non renouvelables et d’y trouver des substituts renouvelables. Pour ne pas outrepasser les seuils critiques, il faut consentir des efforts de préservation qui supposent des dépenses monétaires.
Le système de la comptabilité n’est ni immuable, ni objectif. Alors que la comptabilité majoritairement pratiquée vise essentiellement à protéger le capital financier et à encourager sa rentabilité, il faut protéger le capital naturel et valoriser le capital humain.
La comptabilité, volet « bilan » comme volet « compte de résultat », doit donc identifier ces enjeux et amener à de nouvelles ventilations. Mais il ne suffit pas de classer autrement, il faut aussi définir des objectifs autour de ces enjeux. Pour cela, il faut également mettre en œuvre des méthodes de diagnostics non monétaires établissant un état des lieux et produisant des objectifs d’amélioration, par exemple la méthode IDEA ou la méthode du réseau « Agriculture durable » (RAD).
Mise en œuvre effective : des témoignages
Deux grands témoins étaient présents à cette séance :
- Quentin Delachapelle, agriculteur dans la Marne, président du CIVAM de l’Oasis
- Michel Lemonnier, agriculteur retraité en Ille-et-Vilaine, administrateur de la CUMA La Fourragère. Ex-administrateur de la FNCUMA, il y est toujours en charge du dossier CARE, participant au groupe CARE de la Coop des Communs.
Tous deux sont engagés avec leurs structures dans la mise en place d’une comptabilité de type CARE. Le processus est en cours.
Témoignage de Quentin Delachapelle
Le CIVAM a un projet depuis 2018 avec pour objectifs de préserver la biodiversité et d’économiser les intrants.
Constat préalable : la comptabilité n’est pas adaptée pour piloter les changements de pratiques. La compta mise en œuvre en France a une approche très fiscaliste.
CARE est mise en place dans 4 fermes et la grille de diagnostic RAD est utilisée.
Pour suivre des changements, il faut passer d’une photo ponctuelle à une vision pluriannuelle : CARE ne répond pas bien à ça.
Il faut mettre en place un projet qui va au-delà de la comptabilité, dépasser la contradiction entre rentabilité de court et de long terme, donner un vrai coût, une vraie valeur aux choses, valeur du sol, valeur de la fertilité… Quel est le coût de la dépollution ? Le coût complet de l’usage des intrants ? Intégrer les externalités.
Témoignage de Michel Lemonnier
Le problème n’est pas la mise en forme comptable, c’est ce qu’on met dedans.
Il faut un diagnostic préalable de l’exploitation, fixer des objectifs (quoi faire, à quelle échéance ?)
Pour le capital humain, fixer les objectifs de l’entreprise et de ses acteurs : rémunération, vie personnelle, évolution…
Les objectifs sociétaux sont à valider avec des partenaires locaux extérieurs. Un référentiel national n’est pas applicable directement.
CARE est mise en place sur 10 exploitations d’Ille-et-Vilaine appartenant à 2 communautés de communes. Le diagnostic et la formulation des objectifs sont faits avec IDEA4. Une concertation est organisée avec des élus des communautés de communes.
Des priorités sont à déterminer sur le territoire avec des échéances annuelles et pluriannuelles (on ne peut pas tout amener à l’optimum). On peut tenir compte d’objectifs nationaux à condition de les décliner à la bonne échelle.
Autres apports de la discussion
Evaluer les impacts et les services
Michel Duru (Agronome, INRAe) a pointé que la recherche est active pour produire des indicateurs environnementaux, qui vont permettre de compléter une comptabilité socio-environnementale. Mais ça avance surtout sur le côté négatif, la mesure des impacts (émission de GES, eutrophisation, toxicité…), avec les ACV qui permettent de quantifier. Un autre pan de la recherche travaille sur le côté positif, les services rendus par l’agriculture (séquestration de carbone, lutte contre l’érosion, enrichissement de la biodiversité…). Pour les services, deux critères quantitatifs semblent se détacher, la teneur en matière organique des sols et la biodiversité.
Un enjeu important est d’hybrider les deux approches, réduire les impacts négatifs et favoriser les services. Or les paiements pour services environnementaux sont encore très ciblés sur le carbone. Et la définition d’indicateurs de type Ecoscore est décisive selon ce qu’ils prendront en compte. Un trop fort accent sur les impacts par kilo de produit pourrait avoir des effets négatifs côté services.
Dans la discussion, l’insistance est mise sur la nécessité de prendre en compte la diversité des critères, les spécificités de secteur, le contexte local, des objectifs propres… et de se doter de référentiels propres, monétaires ou non.
Sur l’approche monétarisée
Yulia Altukhova-Nys précise que la démarche CARE repose sur la nécessité de protéger le capital naturel et le capital humain à côté du capital financier (triple amortissement). La monétarisation envisagée suppose de « compter ce qui compte », mais pas de marchandiser la nature au contraire de ce que préconisent d’autres démarches comptables.
Dans la séance, on est revenu plusieurs fois sur cette question de la monétarisation, avec des interrogations et des discussions. Il ressort que ce qui est monétarisé, ce sont les efforts (dépenses) consentis pour préserver les capitaux naturel et humains et, le cas échéant, les recettes spécifiques (paiements complémentaires, primes…).
Des coûts vrais et comparables
Une comptabilité socio-environnementale de type CARE s’appuie sur des engagements dans les différentes dimensions de la durabilité. Elle permet de comptabiliser toutes les charges ainsi que l’amortissement des investissements, parfois sur des très longues périodes, pour atteindre les objectifs.
Cela se traduit le plus souvent par une augmentation du coût de production. Ces efforts, s’ils sont reconnus légitimes, peuvent, en compensation, ouvrir l’accès au crédit, se traduire par des filières différenciées avec des prix spécifiques, justifier des paiements pour services… Cela suppose de la transparence pour rendre visible les démarches et de la capacité de conviction.
Mais on ne peut pas comparer, sur une base comptable, les « performances économiques » de systèmes écologiquement et socialement vertueux et de ceux qui ne le sont pas, sauf si des pénalités financières sanctionnent les mauvaises pratiques. Les analystes utilisant les résultats comptables doivent veiller à ce que toutes les dimensions de la durabilité soient prises en compte, ou introduire des correctifs qui supposent une bonne connaissance des systèmes réellement mis en œuvre.
Des évolutions en cours : RICA, etc.
Pour se mettre en conformité avec les objectifs de politique agricole européenne (Pacte Vert, Stratégie de la ferme à la Table), la Commission européenne prévoit de faire évoluer le RICA (FADN en anglais) en Réseau d’Informations sur la Durabilité Agricole (RIDA/FSDN). Mais peut-être ne s’agit-il que de compléter le RICA par des indicateurs de durabilité ?
Par ailleurs, on voit aussi des tentatives de supprimer les spécificités du Plan Comptable Agricole (PCA) pour l’intégrer dans le Plan Comptable Général (PCG) ce qui pourrait avoir des effets inverses.
Les acteurs « habituels » de la comptabilité commencent à se confronter à la question de la durabilité. L’optique est toujours de réaliser « une évaluation juste, fiable, fidèle, reproductible » et de faire en sorte que la lecture des comptes « inspire de la confiance » sur leur fiabilité et leur sincérité. Pour cela, il faut créer des référentiels pour enrichir l’approche (voir thèse en cours à CERFrance).
Différentes interventions ont porté sur le caractère pluriannuel des impacts qu’il est impossible de suivre dans le cadre d’un exercice annuel.
Quelques pistes pour poursuivre sur un sujet très ouvert
Un outil à combiner nécessairement avec d’autres
- La comptabilité socio-environnementale s’inscrit, en particulier en cette période, dans un processus de changements multidimensionnels. Le changement suppose de fixer des objectifs et de se doter d’outils pour suivre leur mise en œuvre, ou identifier ce qui doit être mis en cause. Ces outils ne peuvent pas être que comptables.
- Et, de plus, un même outil ne peut pas viser tous les objectifs.
Des risques à la monétarisation ?
On voit que la démarche CARE s’accompagne d’objectifs qualitatifs, souvent quantifiables en unités non-monétaires, avec des indicateurs spécifiques exprimés dans diverses unités. Même si l’on n’a pas l’objectif de donner une valeur monétaire aux valeurs naturelles ni d’en faire un marché, le principe de monétarisation ne comporte-t-il pas le risque de « tomber » dans de la « durabilité faible » ?
Les liens avec les politiques publiques :
- La comptabilité d’entreprise, mettant en évidence les coûts de préservation de la durabilité, peut orienter les politiques publiques de soutien. C’est un outil de dialogue avec les institutions et les partenaires extérieurs.
- A l’inverse, évidemment, des instruments de politique publique (primes, pénalités…) entreront dans la comptabilité… à la bonne place.
Que porte-t-on au bilan dans une comptabilité CARE ?
CARE met en avant la préservation des capitaux (financiers, humains, naturels) et valorise les derniers selon les coûts correspondants, contrairement aux autres méthodes de comptabilité socio-environnementale qui cherchent à donner un prix à la nature, en se basant sur des mécanismes de marché et d’actualisation. Pour CARE, ce n’est pas au marché de décider ce qui a de la valeur (et son montant), mais à l’entreprise en concertation avec ses parties prenantes et des spécialistes et experts (agronomes, pédologues, microbiologistes du sol, ergonomes, psychologues et médecins de travail…) de définir ce qui est capital et doit être préservé et comment. Par conséquent, ce n’est pas une valeur marchande (prix de vente de la ressource en eau ou des compétences d’un employé) qui est inscrite au Bilan et au Compte de résultat au niveau des capitaux naturels et humains, mais une valeur de leur préservation, basée sur des coûts concrets liés à des mesures de prévention ou à des mesures de restauration (par exemple la restauration du taux de la matière organique dans le sol ; une rémunération décente pour ses salariés).
Quelle peut être la gouvernance d’une comptabilité écologique de ce type ?
L’apparition au passif de trois groupes de capitaux (capitaux humains et naturels en plus du capital financier) conduit à considérer qu’il y a trois groupes d’apporteurs de capitaux dans l’entreprise et que ces apporteurs de capitaux, ou leurs représentants, doivent être traités sur un pied d’égalité. Ils auront droit à un pouvoir égal dans toutes les décisions qui concernent le choix des dirigeants de l’entreprise et la répartition du nouveau concept de profit dans le cadre d’une cogestion écologique et sociale d’un type complètement nouveau qui va beaucoup plus loin que la co-détermination allemande.
Ces représentants, ou « porte-parole », exposeront les intérêts des parties prenantes internes et externes, et permettront aussi de mesurer le niveau de préservation requis.
Et pour terminer… sans conclure
On perçoit ainsi que le modèle CARE est bien autre chose qu’une nouvelle formalisation des comptes de l’entreprise et bien plus que l’élargissement des lignes comptables. Il permet de connecter les données non financières et le modèle d’affaire, et, faisant concrètement apparaître les nouveaux enjeux, il conduit à transformer la gouvernance des organisations en donnant la parole aux personnes concernées par ces enjeux. Il ouvre la possibilité de crédibiliser l’engagement dans la transition et de redéfinir les performances sur des bases globales, scientifiques et objectivées.
Même si l’on parle « comptabilité », le défi est de transformer la gestion des affaires pour « prendre en compte tout ce qui compte vraiment ». Ce n’est pas pour rien que l’ouvrage fondateur de Jacques Richard a pour titre « Révolution comptable ». On peut penser que l’objet n’est pas de révolutionner la comptabilité, mais de révolutionner par la comptabilité.
Jacques Richard, en collaboration avec Alexandre Rambaud, 2020. Révolution comptable. Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, Ivry-sur-Seine. ISBN : 978-2-7082-5448-0
Question à Yulia Altukhova-Nys : Que porte-t-on au bilan dans une comptabilité CARE ?
Réponse :
CARE met en avant la préservation des capitaux (financiers, humains, naturels) et valorise les derniers selon les coûts correspondants, contrairement aux autres méthodes de comptabilité socio-environnementale qui cherchent à donner un prix à la nature, en se basant sur des mécanismes de marché et d’actualisation. Pour CARE, ce n’est pas au marché de décider ce qui a de la valeur (et son montant), mais à l’entreprise en concertation avec ses parties prenantes et des spécialistes et experts (agronomes, pédologues, microbiologistes du sol, ergonomes, psychologues et médecins de travail…) de définir ce qui est capital et doit être préservé et comment. Par conséquent, ce n’est pas une valeur marchande (prix de vente de la ressource en eau ou des compétences d’un employé) qui est inscrite au Bilan et Compte de résultat pour ce qui est des capitaux naturels et humains, mais une valeur de leur préservation, basée sur des coûts concrets liés à des mesures de prévention ou à des mesures de restauration (par exemple la restauration du taux de la matière organique dans le sol ; une rémunération décente pour ses salariés).
Pour cela, il est nécessaire d’identifier, pour chaque capital, trois catégories d’indicateurs :
– Indicateurs traducteurs d’états (par exemple pour le sol : les biomarqueurs du sol, ou pour le capital « climat/ air atmosphérique » : Budget carbone),
– Indicateurs d’impact sur ce « stock » (exemple : Flux de GES),
– Indicateurs de gestion (ou de pression) (exemple : indicateurs sur les pratiques d’irrigation et leur intensité ; intensité carbone).
Ensuite, il s’agit de définir quelles sont les actions nécessaires pour assurer la préservation de ce bon état. Les actions peuvent être, selon les cas, de type ex-ante – il s’agira de prévention – ou ex-post – il s’agira de restauration, mais non pas sur une base de services.
Dans l’exemple de la Bergerie Nationale de Rambouillet, la valeur du capital humain interne « employés » est une somme des coûts représentant les revenus décents (ce qui correspond à la mesure de restauration) et des couts liés à la santé et la sécurité de ses employés (coût d’extincteur (mesure de prévention), coûts de ménage quotidien (mesure de restauration), etc…).
Le calcul d’une rémunération décente a été réalisé selon les informations disponibles d’après l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, aujourd’hui dissous, et un des rares à publier des informations par catégorie de ménage. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) n’apporte pas de chiffres concrets, et de nouveaux organismes travaillent sur ces concepts et références de seuil. En termes d’effectifs, c’est une base d’effectifs en contrat CDI à temps plein (ETP), qui est utilisée. Pour les 18 ETP de la Bergerie Nationale de Rambouillet :
o Le montant annuel de rémunération décente (enregistré comme dotation aux amortissements en compte de résultat et bilan) est de :
390K€ = 18 ETP X moyenne du salaire décent mensuel 1 806,2 € X 12 mois
o Le cout d’usage et de préservation des capitaux humains pour la part travail (formant la valeur du capital humain correspondant et de son usage à l’actif), sur 34 ans est de :
13 mln € = 390K€ X 34 ans estimés de présence sur l’exploitation selon les durées de contrats CDI.
Dans le cas de la Bergerie, les charges réelles sont supérieures au salaire décent. La plus-value payée par l’entreprise représente donc le coût pour conserver son personnel ; soit l’écart positif entre la comptabilisation réelle sur l’année et le calcul du salaire décent. Dans les charges « circulantes » sur capital financier du compte de résultat CARE ne sera comptabilisée que la différence entre charges réelles et charges décentes.
Un autre capital humain interne qu’on y a identifié est le public accueilli. Son emploi (à l’actif) est reflété par la sécurité des visiteurs et les coûts correspondants : entretien du circuit de visite (mesure de prévention) + parc de contention et barrières matériel d’élevage (réparti d’ailleurs entre ce capital humain et le capital naturel « Bien-être animal ») (mesure de prévention).
NB: La ferme pédagogique de la Bergerie Nationale de Rambouillet accueille environ 100 000 visiteurs par an.
Question complémentaire à Yulia Altukhova-Nys : Quelle peut être la gouvernance d’une comptabilité écologique de ce type ?
Réponse :
L’apparition au passif de trois groupes de capitaux (capitaux humains et naturels, en plus du capital financier) conduit à considérer qu’il y a trois groupes d’apporteurs de capitaux dans l’entreprise et que ces apporteurs de capitaux, ou leurs représentants, doivent être traités sur un pied d’égalité. Ils auront droit à un pouvoir égal dans toutes les décisions qui concernent le choix des dirigeants de l’entreprise et la répartition du nouveau concept de profit dans le cadre d’une cogestion écologique et sociale d’un type complètement nouveau qui va beaucoup plus loin que la co-détermination allemande.
Les représentants du capital financier représenteront non seulement les actionnaires traditionnels mais aussi les créanciers, les fournisseurs, et d’une manière générale tous ceux qui mettent effectivement à la disposition des entreprises des actifs matériels ou immatériels (y compris les États, les régions, etc.).
Les représentants du capital humain seront désignés directement par tout le personnel qui travaille dans la société concernée. Jacques Richard, en collaboration avec Alexandre Rambaud, dans le livre « La révolution comptable » (les éditions de l’Atelier, 2020), précisent que « les syndicats ne seront pas forcément représentés à ce titre mais conserveront leur tâche traditionnelle de défense des travailleurs: les possibilités de leur part d’une contestation fondamentale du système proposé par le modèle CARE et des décisions qui en découlent resteront donc intactes. Ceci constitue une différence majeure avec la co-détermination allemande qui tend à faire rentrer les syndicats dans le jeu de certains organes de gestion ou de contrôle comme le Conseil de surveillance ». Par ailleurs, des spécialistes comme les médecins indépendants du travail seront des porte-parole du capital humain.
Enfin, les représentants du capital naturel seront notamment des scientifiques (indépendants de la société), des ONG environnementales et des riverains concernés par les actions de la firme sur l’environnement.
Ces représentants, ou « porte-parole », exposeront les intérêts des parties prenantes internes et externes, et permettront aussi de mesurer le niveau de préservation requis.
Le modèle CARE permet de connecter les données non financières et le modèle d’affaire, de transformer la gouvernance des organisations, de crédibiliser l’engagement dans la transition et de redéfinir les performances sur des bases globales, scientifiques et objectivées.