La politique contractuelle dans les filières agricoles : moyen de régulation des marchés et de partage des marges ?

Intervenants Gérard You, Michel Rieu, Pascale Magdelaine ? (RMT économie de filières animales)

Au nom d’une plus grande adaptation aux « signaux du marché » les mécanismes de régulation existants dans le cadre de la PAC pour bon nombre de filières, ont progressivement été démantelés afin de laisser place à la bonne volonté des acteurs des filières pour mettre en place des politiques contractuelles. La sortie des quotas laitiers en 2015 avec une timide mise en place de contrats n’a pourtant pas été couronnée de succès car elle a laissé place à une spectaculaire crise en 2016. 

Cette problématique de la régulation des marchés et de partage de la valeur au sein des filières agricoles a constitué un des thèmes centraux de la réflexion des Etats généraux de l’alimentation en 2017, avec « l’injonction » de partir des coûts de production des producteurs dans la construction du prix des produits.

Où en sommes nous et que faut–il penser de ces politiques contractuelles quand à leur capacité de régulation des marché agricoles et de partage de la valeur sachant que toutes les filières ne sont pas logées à la même enseigne. Si les grandes productions animales et végétales étaient fortement régulées dans le cadre de la PAC, ce n’était pas le cas dans certaine filières comme les volailles ou le porc qui étaient déjà fortement confrontées en direct au marché avec des organisations spécifiques.

Nous avons demandé aux économistes des filières des Instituts techniques animaux qui travaillent sur ces questions de venir nous en parler 

Voir la présentation de Gérard You : 

Télécharger “L’exemple de la filière lait de vache”

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Voir la présentation de Pascale Magdelaine et Michel Rieu

Télécharger “LaLpolitique contractuelle dans la filière volaille de chair et dans la filière porc”

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Synthèse des présentations et de la discussion

La politique contractuelle dans les filières agricoles : moyen de régulation des marchés et de partage des marges ?

Intervenants Gérard You, Michel Rieu, Pascale Magdelaine (RMT économie de filières animales)

Trois secteurs fortement concernés par la contractualisation ont été présentés : la filière laitière par Gérard You, la filière avicole avec Pascale Magdelaine et la filière porcine avec Michel Rieu.

La filière laitière

Les systèmes dominants de coordination offre-demande sont le contrat de commercialisation simple et le contrat coopératif dans lequel l’éleveur est aussi actionnaire avec obligation partagée de livraison totale. Ces contrats sont une assurance de débouchés pour les éleveurs avec une logique de flux tirés par les collecteurs privés. Cette tendance à l’encadrement de la production n’empêche pas un prix du lait de plus en plus différencié en fonction des produits fabriqués : prix faibles avec des importants mix-produits soumis au marché mondial, prix plus élevés avec des produits de qualité. Le risque prix est toujours supporté par l’éleveur.

La France est le pays européen qui encadre le plus sa production laitière. Dans l’Europe du nord, la liberté de produire est plus grande mais cela n’empêche pas une bonne valorisation. En France, les organisations de producteurs sont nombreuses et donc trop faibles malgré une tendance à l’organisation. La contractualisation n’a pas changé la situation comparée avec nos partenaires européens.

La filière avicole

Le système dominant porte sur des contrats dits « de production » avec obligation de production et d’approvisionnement. Un peu plus de la moitié des contrats sont des contrats coopératifs, les autres des contrats d’intégration mais au final avec peu de différences entre les deux. Dans le secteur avicole la notion de prix n’a qu’un sens limité, on parle plutôt de « marge poussin aliment ». La marge est négociée pour un résultat moyen en général par m² qui est l’unité d’investissement.

Les prix de reprise des animaux sont actualisés sur la base du prix de l’aliment. L’éleveur ne supporte pas de ce fait les variations de prix ni de coût. Son revenu dépend de ses performances techniques. Les organisations de production, le plus souvent adossées à des fabricants d’aliments, jouent le rôle central dans la filière. Ceci garantit une parfaite adaptation de l’offre à la demande (flux tirés). Si cela sécurise le revenu de l’éleveur, cela limite ses choix du type de production et l’éleveur est faiblement incité à la performance.

La filière porcine

Bien que la production porcine soit soumise à un prix de marché, il y a une adhésion quasi totale à des organisations de producteurs, à 94 % sous statut coopératif. Les coopératives peuvent être plus ou moins engagées dans la filière et s’occuper de fournitures d’intrants comme d’aspects techniques.

Bien qu’il existe un prix du porc fixé sur un marché du porc breton, ce marché ne concerne qu’une infime part de la production. Aujourd’hui la logique est celle d’un partage de la valeur au sein de la filière. De fait le risque prix est assuré par les éleveurs car on ne dispose pas d’indicateurs sur les prix de vente de la viande pour mesure la valeur créée dans la filière. Sur longue période le revenu net après rémunération de l’éleveur est voisine de zéro mais les fortes fluctuations de prix du porc créent des problèmes de trésorerie avec de fortes variabilités entre éleveurs.

Discussion : peut-on comparer les trois systèmes ?

En porc comme en volailles, on constate des écarts de résultats entre éleveurs dus aux écarts de compétitivité liés au coût de l’aliment ou du travail. En volaille par exemple, les objectifs de marges sont fixés pour qu’une majorité d’éleveurs s’y retrouvent, mais un tiers ne s’y retrouvent pas. Ce système est toutefois considéré comme efficace car le nombre d’élevages avicoles diminue peu.

En porc comme en lait on a affaire à des prix qui s’alignent à moyen terme sur les coûts de production. Dans les deux secteurs, malgré une faible part de la production exportée, on assiste à de fortes fluctuation des prix sous l’effet du marché mondial. Mais ce dernier n’influencerait en fait que les fluctuations et non les niveaux de prix.

En lait, c’est la France qui a le plus contractualisé sa production en Europe et sa position ne progresse pas. Quelques groupes privé dominent le marché. Les coopératives alignent leur politique alors qu’en Europe du nord des coopératives produisent de la valeur. En France les élevages sont diversifiés ce qui entraînerait une perte d’efficacité globale. Aux Pays-Bas pas exemple les éleveurs sont spécialisés ce qui génère des économies sur les coûts de mécanisation.

Une des raisons de la moindre compétitivité en France serait liée au nombre de spécialités que doivent fournir les abattoirs en matière de produits différenciés. Cette situation qui génère des coûts industriels est de la responsabilité partagée entre industriels et distributeurs et est moins marquée dans les autres pays européens. La concentration des exploitations est aussi moindre en France que dans les autres grands pays producteurs européens.

La question est posée de l’impact que pourrait avoir la demande sociétale de qualité sur les systèmes de contractualisation. On peut craindre que la contractualisation favorise la concentration des exploitations.

La contractualisation n’est pas suffisante pour assurer un revenu. Il est difficile de comparer les organisations des trois filières. Le problème est souvent celui des coûts de production. Dans les pays européens moins intégrés que la France il existe une meilleure coordination technique. Plus que l’intégration financière, l’échange d’informations permettait d’améliorer la situation mais en France existe une certaine défiance entre les différents maillons des filières.

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